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3. Doit-on rechercher le bonheur ?

3.1. L’ascétisme de Schopenhauer

« Le Monde comme volonté et comme représentation » (1818)

définition
  • Ascétisme - Doctrine morale qui prescrit de limiter au maximum ses désirs et de rejeter les plaisirs afin d’atteindre la perfection morale et le bonheur.
TEXTE N°1 : le paradoxe du désir
Tout désir naît d'un manque, d'un état qui ne nous satisfait pas ; donc il est souffrance, tant qu'il n'est pas satisfait. Or, nulle satisfaction n'est de durée ; elle n'est que le point de départ d'un désir nouveau. Nous voyons le désir partout arrêté, partout en lutte, donc toujours à l'état de souffrance ; pas de terme dernier à l'effort ; donc pas de mesure, pas de terme à la souffrance […]
Mais que la volonté vienne à manquer d'objet, qu'une prompte satisfaction vienne à lui enlever tout motif de désirer, et les voilà tombés dans un vide épouvantable, dans l'ennui ; leur nature, leur existence, leur pèse d'un poids intolérable. La vie donc oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui ; ce sont là les deux éléments dont elle est faite, en somme.
1. Expliquez en quoi le désir est un cercle vicieux. Faites une carte mentale pour le visualiser.
2. Quel problème pose la définition du désir de Schopenhauer en ce qui concerne notre quête de bonheur ?
3. « On aime mieux la chasse que la prise. » (Blaise Pascal) En quoi cette citation contredit-elle la thèse de Schopenhauer ?
TEXTE N°2 : le bonheur dans le repos
La satisfaction d’aucun souhait ne peut procurer de contentement durable et inaltérable. C’est comme l’aumône qu’on jette à un mendiant : elle lui sauve aujourd’hui la vie pour prolonger sa misère jusqu’à demain – Tant que notre conscience est remplie par notre volonté, tant que nous sommes asservis à l’impulsion du désir, aux espérances et aux craintes continuelles qu’il fait naître, tant que nous sommes sujets du vouloir, il n’y a pour nous ni bonheur durable, ni repos. Poursuivre ou fuir, craindre le malheur ou chercher la jouissance, c’est en réalité tout un : l’inquiétude d’une volonté toujours exigeante, sous quelque forme qu’elle se manifeste, emplit et trouble sans cesse la conscience ; or, sans repos le véritable bonheur est impossible.
1. Qu’est-ce que le repos, selon Schopenhauer, et pourquoi peut-il nous rendre heureux ?
2. Expliquez en quoi la conception du bonheur de Schopenhauer est un ascétisme.

3.2. « Chacun fait son bonheur » (Alain)

ALAIN, propos sur le bonheur (1925)
On dit communément que tous les hommes poursuivent le bonheur. Je dirais plutôt qu'ils le désirent, et encore en paroles, d'après l’opinion d'autrui. Car le bonheur n'est pas quelque chose que l'on poursuit, mais quelque chose que l’on a. Hors de cette possession il n'est qu'un mot. Mais il est ordinaire que l'on attache beaucoup de prix aux objets et trop peu de prix à soi. Aussi l'un voudrait se réjouir de la richesse, l'autre de la musique, l'autre des sciences. Mais c'est le commerçant qui aime la richesse, et le musicien la musique, et le savant la science. « En acte »(1), comme Aristote disait si bien. En sorte qu'il n'est point de chose qui plaise, si on la reçoit, et qu'il n'en est presque point qui ne plaise, si on la fait, même de donner et recevoir des coups. Ainsi toutes les peines peuvent faire partie du bonheur, si seulement on les cherche en vue d'une action réglée et difficile, comme de dompter un cheval. Un jardin ne plaît pas, si on ne l'a pas fait. Une femme ne plaît pas, si on ne l'a conquise. Même le pouvoir ennuie celui qui l'a reçu sans peine. Le gymnaste a du bonheur à sauter, et le coureur à courir ; le spectateur n'a que du plaisir.
Aussi les enfants ne manquent pas le vrai chemin lorsqu'ils disent qu'ils veulent être coureurs ou gymnastes ; et aussitôt ils s'y mettent, mais aussitôt ils se trompent, passant par-dessus les peines et s'imaginant qu'ils y sont arrivés. Les pères et les mères sont soulevés un petit moment, et retombent assis. Cependant le gymnaste est heureux de ce qu'il a fait et de ce qu'il va faire ; il repasse dans ses bras et dans ses jambes, il l'essaie et ainsi le sent. Ainsi l'usurier, ainsi le conquérant, ainsi l'amoureux. Chacun fait son bonheur.
(1) « En acte » : Dans sa philosophie, Aristote distingue l’acte et la puissance : la puissance est la potentialité d’une chose, l’acte est la chose en puissance qui devient réelle. Exemple : le bourgeon est la fleur en puissance, la fleur est le bourgeon en acte.
1. Quelle différence Alain fait-il dans ce texte entre plaisir et bonheur ?
2. Comment peut-on être heureux, selon lui ?
3. Comment se justifie-t-il ?
4. Voir les deux extraits du film Forrest Gump. En quoi l’attitude de Forrest illustre-t-elle la thèse d’Alain sur le bonheur ?

Évaluation

A faire en groupe de 4

Tirez au sort deux philosophes et écrivez un dialogue qui réponde à la question :
« Comment être heureux ? ».
Vous utiliserez les arguments des textes étudiés et y ajouterez vos propres arguments.
Inspirez-vous du style de l’extrait de « Gorgias » pour le ton de votre dialogue.
Philosophes : 1. Aristote / 2. Calliclès / 3. Épicure + Socrate / 4. Épictète / 5. Schopenhauer / 6. Alain